Les Vieux Livres : "Le Lycée armoricain", Le canal de Pornic"
CANAL DE PORNIC
C'est au moment où le canal de Nantes à Brest va réaliser un des projets de cet estimable marquis de Brie-Serrant, qui a légué un nom si cher a ses compatriotes ,
qu'il est peut-être nécessaire de parler d'un de ses projets favoris le canal de Pornic ,
qui est d'autant plus important qu'aucun ouvrage publié sur le département de la Loire-Inférieure n'a parlé de ce projet, dont l'exécution paraît si facile ,
et dont la Bretagne et la ville de Nantes en particulier retireraient de si grands avantages.
M. de Brie-Serrant a fait graver une carte d'une partie du département de la Loire-Inférieure, au haut de laquelle se trouve une petite carte de France ; dans celle-ci, l'auteur a indiqué, par des lignes à l'encre rouge, les communications de Nantes à la Manche par deux canaux qui doivent réunir l'Erdre à la Vilaine et celle-ci à la Rance. M. de Brie-Serrant n'avait pas songé , sans doute, à la possibilité de réunir la Vilaine au Blavet et ce dernier à l'Aune, qui se jette dans la rade de Brest. Les communications de Nantes avec Paris par le canal de Briare , avec Lyon et la Méditerranée par celui de Bourgogue et encore mieux par celui de Trévoux à Rouane sont indiqués soigneusement , et après avoir remarqué combien est précieuse la position de cette ville arrosée par un fleuve qui la met en communication avec tout l'intérieur du royaume , le lecteur est forcé d'adopter le projet d'un canal qui établisse une communication plus facile entre elle et l'Océan.
En effet, sans un canal qui remédie à l'accumulation des sables qui gênent aujourd'hui la navigation de la Loire, il deviendrait bientôt inutile pour Nantes d'être placée si près de la mer , de se trouver au centre de la marine marchande et de la marine militaire, dans le voisinage de cette baie de Quiberon , la meilleure relâche de la côte de Bretagne et l'attérage général de tous les navires qui se rendent sur un point quelconque du golfe de Gascogne. Tout le monde sait que l'embouchure de la Loire est encombrée de bancs de sables, qui s'accumulent de plus en plus et qui finiront par rendre innavigable le plus beau fleuve de France. Des ingénieurs ont cherché à remédier à ces inconvénients et ont propose des moyens dont l'exécution a paru jusqu'à présent ou trop coûteuse ou trop difficile.
Le canal de Pornic, que propose M. de Brie-Serrant, qui semblerait parer à quelques-unes de ces incommodités , les laisserait néanmoins subsister dans la partie de la Loire qu'il faudrait descendre pour aller trouver l'ile d'Indret, au-dessous de laquelle commencerait ce canal. Dans cette partie, en effet, on trouve des bancs de sable plus considérables , plus solides et par conséquent plus difficiles à détruire que ceux qu'on rencontre en descendant à Paimboeuf. C'est aux ingénieurs à voir si les travaux qu'il faudrait exécuter pour cette partie du cours de la rivière ne seraient pas à eux seuls aussi coûteux que ceux qu'exigeraient les autres bancs de sable depuis Indret jusqu'à Saint-Nazaire.
En second lieu , la colline qui sépare les marais de Brains du ruisseau du village de Boiseau, à l'extrémité de la commune de Saint-Jean-de-Boiseau , où commence le canal , et le plateau élevé situé entre le ruisseau de la Blanche et les marais de Haute-Perche , offriraient peutêtre des difficultés que les gens de l'art peuvent seuls apprécier. Ces deux intervalles ne sont, il est vrai, que d'une demi-lieue à peu près chacun ; mais , suivant la nature du terrain, c'est quelquefois plus qu'il n'en faut pour rendre impossible l'exécution d'un projet du genre de celui-ci. On pourrait obvier à l'une de ces deux difficultés en choisissant l'étier de Buzai pour faire communiquer directement le canal à la Loire; et il n'y aurait à couper que l'intervalle entre le ruisseau de la Blanche et celui de Haute-Perche.
Quoi qu'il en soit de ces inconvénients, dont il n'y aurait à s'occuper qu'en cas qu'on songeât sérieusement à l'exécution du canal projeté , toujours est-il vrai que , d'après un simple aperçu , et sur la seule inspection du plan , ce canal semblerait devoir être d'une exécution facile et d'une importance majeure. Je ne puis mieux faire que de transcrire ici, en finissant, les propres remarques de M. de Brie-Serrant. Ces remarques accompagnent la carte dont j'ai parlé, et cette carte est devenue aujourd'hui extrêmement rare.
On voit que le fort du Pilier, qui est le point commun où les vaisseaux de Pornic , comme ceux de Paimboeuf, viennent prendre le large, est situé à l'entrée de la rade de Pornic, tandis que Paimboeuf en est à une distance de dix à douze lieues ; que de ce point commun, il n'y a aucun écueil pour entrer à Pornic, tandis que la route de Paimboeuf en est parsemée ; qu'enfin par Pornic , il n'y a point de station de Mindin, si coûteuse et si pernicieuse à leurs armateurs et à leurs équipages. Tous ces avantages, qui préserveront du naufrage tant de bâtimens , éviteront les retards portés à la navigation de tant d'autres, et épargneront des frais immenses à tous; vaudront au commerce, pour la seule partie de l'économie , beaucoup plus que ne coûtera toute l'entreprise du canal , et tous les autres avantages inappréciables que ce projet renferme , seront en pur bénéfice pour le commerce , pour la province et pour l'Etat.
Pour ce qui est du canal, qui donnera à la ville de Nantes une communication avec la mer plus courte et infiniment plus sûre que celle d'aujourd'hui et un entrepôt bien préférable à tous égards à Paimboeuf , à l'Etat un nouveau port de mer, dont les avantages démontré sont inappréciables , enfin au pays de Retz et à tous les lieux circonvoisins une vivification manifeste, on ne conçoit point qu'il ait été jamais proposé, dans le royaume , l'ouverture d'un canal si précieux dans une si petite étendue , puisqu'il n'aura que sept à huit lieues , et (ce qu'il y a de remarquable) il n' en a a jamais été proposé d'une facilité d'exécution aussi évidente ; car, pour ce qui est de la pente , on ne peut la révoquer en doute , puisque les marées qui ne montent à Nantes que de trois à quatre pieds , montent à Pornic de quinze pieds, et, pour ce qui est de la facilité des travaux, on voit, par la carte, que le canal parcourt trois ruisseaux où la marée monte et des marais ou autres terrains bas dans toute son étendue.
On peut ajouter à ces considérations celles qui naissent de l'examen même du port de Pornic, parfaitement abrité et susceptible, en faisant quelques travaux à l'étier de Haute-Perche, de devenir un des ports les plus sûrs et les plus vastes de ces parages.