Les Vieux Livres : "La Loire historique, pittoresque et biographique"
Nous abordons le dernier canton qu'ait à décrire l'historien de la Loire : nous touchons à l' oméga d'une tâche dont nous posâmes il y a cinq ans l'alpha au pied du mont Gerbier, à deux cents lieues du point où nous voici parvenus.
Le canton de Pornic occupe un promontoire qui s'avance dans l'Océan entre l'embouchure de la Loire et la baie de Bourgneuf.
Le chef-lieu est une petite ville maritime bâtie en amphithéâtre au versant d'un coteau élevé d'environ quatre-vingts pieds au-dessus du niveau de la mer.
Les maisons, en s'échelonnant sur la colline, prêtent a cette localité, dont la population n'atteint pas le chiffre de 1,200 habitants, une physionomie urbaine, qui se dément lorsque l'on circule dans ses rues.
On distingue pourtant à Pornic une ville haute et une ville basse : les rues de la première sont de véritables escaliers, et plusieurs habitations ont été creusées ici dans le roc, comme à Vouvray et à Rochecorbon (Indre-et-Loire).
Du reste, les deux villes ayant été brûlées en 1793 par l'armée vendéenne aux ordres de Charette, elles ont été rebâties à peu près entièrement depuis la révolution, et les habitants se sont piqués d'une certaine émulation pour les embellir.
Tout porte à croire que l'origine de Pornic est dûe à l'ancien château fort, situé près de la ville, et qui appartenait jadis aux ducs de Bretagne, après avoir appartenu aux seigneurs de Retz.
L'existence de ce fort remonte aux premières années du XIIe siècle ; les souverains du pays, puis le roi de France, y entretenaient une garnison, dont le commandement était le lot de quelque vieil officier peu soucieux des splendeurs de la cour.
Abandonné depuis 1792 et dévasté durant la guerre civile, le château de Pornic ne présentait plus que des ruines abandonnées aux reptiles et aux oiseaux de proie, lorsqu'en 1824 M. Lebreton, négociant de Nantes, forma le projet d'arrêter la destruction de cet édifice.
Il en fit l'acquisition, et, par des réparations dans lesquelles il s'est efforcé d'allier le goût moderne avec le caractère du monument féodal, il a produit une restauration qui ne manque pas de noblesse.
D'une tour assez élevée, reste des anciennes fortitications, la vue plane sur la baie de Bourgneuf, sur l'embouchure de la Loire , sur l'île de Noirmoutier et sur une multitude de villages. Revenons à la ville.
Il y a lieu de croire qu'en 1050 Glevian , prince de Becon, et Drolavius, seigneur d'Herbauges , avaient des droits seigneuriaux à exercer sur ce territoire, puisqu'ils donnèrent aux religieux de Redon l'église du lieu, désignée sous le vocable de Sainte-Marie.
En 1112, ces moines cédèrent cette église à ceux de Saint-Serge d'Angers, qui, l'année suivante, s'établirent à Pornic et y bâtirent une chapelle qu'ils bénirent eux-mêmes, avec la permission de l'archevêque de Tours.
Telle est l'origine de l'abbaye de Sainte-Marie de Pornic, qu'habitèrent longtemps des chanoines réguliers de saint Augustin, et dont l'église est maintenant paroissiale de la commune de Sainte-Marie. Cette église n'a rien de remarquable.
Pornic dépendait autrefois du duché de Retz., c'était le siège d'une haute justice qui, en 1778, était exercée par M. de Villeroi.
Le port, dont la largeur est de deux cents toises, sur une profondeur de six cents, s'ouvre entre deux coteaux hérissés de rochers; la ville, comme nous l'avons dit, s'étage en amphithéâtre au fond de ce port.
Les eaux de la HautePerche, petite rivière qui se jette dans la baie de Pornic, sont retenues par une écluse, au moyen de laquelle on y introduit les marées, ce qui permet de remouler le cours de ce canal jusqu'à deux lieues dans les terres. Le mouvement du port est assez vif : on y voit fréquemment des navires de cent à cent vingt tonneaux chargeant des froments pour l'exportation. Une soixantaine de petites barques, du fret de dix-huit à vingt tonneaux, traversent journellement la baie de Bourgneuf pour aller chercher des engrais dans le département de la Vendée et particulièrement à l'île de Noirmoutier. Ils y portent en échange du bois provenant des forêts du pays de Retz.
Pornic est maintenant très-fréquenté dans la belle saison par les baigneurs. Aucun établissement de la côte bretonne ne peut mieux en effet leur convenir,
puisque, indépendamment des bains de mer, il existe tout près de la ville, mais sur la commune de Clion, une source minérale salino-ferrugineuse, dont les eaux s'emploient avec succès dans plusieurs maladies, particulièrement dans les obstructions.
Les bains de mer se prennent à la lame, sur une belle plage ou dans des grottes profondes que les siècles et l'Océan ont creusées au pied des rochers, et l'eau s'y renouvelle à chaque marée.
Ces petits sanctuaires de la santé offrent un abri contre les vents du sud et de l'ouest, qui battent souvent la côte.
Depuis que l'on vient de toutes les extrémités de la France prendre des bains de mer à Pornic, le confort y a reçu un notable accroissement : on y trouve aujourd'hui des chambres et des appartements très-agréables, et qui peuvent recevoir jusqu'à trois cents étrangers.
Ces derniers passent à Pornic une saison baigneuse sans avoir à subir d'excessives dépenses: le mouton, la volaille, le poisson, les légumes y sont assez communs.
Les environs de la ville ne manquent pas d'agréments : la rivière de Haute-Perche serpente à travers une plaine boisée où l'on découvre à chaque pas des sites charmants.
Pour les marcheurs paresseux , il y a près du château une promenade très-agréable.
Peut-être, comme ville de bains, Pornic ne présente-t-il pas un de ces lieux de réunion élégants où la fashion retrouve une parodie des récréations de Paris : salle de bal et de concert, cercle mêlé de manières recherchées, de bel esprit, d'intrigue, d'habileté suspecte au jeu :
nous ne souhaitons pas trop à Pornic ce complément d'attrait. Cette ville est à quatre lieues de Paimboeuf ; dans la saison des eaux, une voilure commode fait le trajet en deux heures;
de sorte qu'en prenant à Nantes le bateau à vapeur, qui descend à Paimboeuf rapidement, on peut être rendu à Pornic en quatre heures par une locomotion agréable et sans fatigue.
Nous devons ajouter que les habitants de Pornic se montrent très-affables aux étrangers : si la nature, dans leurs bains de mer, leur a ménagé des ressources de spéculation , ils savent revêtir celle-ci de formes qui dérobent les calculs de l'intérêt.
L'industrie des habitants de Pornic consiste dans la pêche du poisson frais et le cabotage; ils font aussi le commerce des grains, des engrais, du bois de chauffage. Les foires ont lieu en juin , septembre, octobre et décembre.
La ville de Pornic est renommée par les excellents marins qu'elle produit : les armateurs y vont prendre souvent des capitaines au long cours, parce qu'ils sont sûrs d'en trouver de recommandables par leurs connaissances et la sûreté de leurs relations.
Les habitants de Pornic, en général, sont vifs et laborieux ; l'air salubre qu'ils respirent rend leur santé florissante et robuste ; leur sang est beau. Les femmes sont assez généralement jolies et bien faites : les jeunes filles, surtout, ont beaucoup d'éclat et de fraîcheur.
Les habitantes de Pornic portent avec quelque coquetterie un costume d'une élégance particulière : leurs coiffures sont carrées, très-hautes, garnies de larges dentelles; leurs cheveux, repliés par derrière, descendent avec grâce sur la nuque.
Les mauvais diseurs atteignent le sexe de cette côte d'un soupçon de galanterie que, fermement, nous croyons calomnieux, quoique la principale nourriture du pays se compose de coquillages, et que Montesquieu voie dans ce genre d'alimentation une cause propre à favoriser la population.
Le territoire de Pornic est peu fertile, la Haute-Perche coulant sur un terrain marécageux. La condition géologique de la côte n'est pas sans intérêt : outre les carrières de pierre à bâtir qu'on y exploite, elle est bordée de roches schisteuses contenant du mica et de l'oxyde de fer, avec des veines de quartz laiteux.
Dans la commune de Clion, sur laquelle se continuent vers le sud les côtes de Pornic, on rencontre également le schiste micacé ferrugineux, laissant découler sur plusieurs points des eaux martiales,
C'est, comme nous l'avons dit, dans cette commune que se trouve la source d'eau minérale dont nous avons parlé plus haut.
Le territoire de Clion est bien cultivé et fertile en beau froment. Il serait toutefois difficile d'expliquer pourquoi la cure de cette paroisse valait quatorze mille livres de rentes avant la révolution.
Travers rapporte qu'au XIVe siècle les curés du diocèse de Nantes prenaient, à l'exemple d'Ulysse, le nom de Personne ; l'historien breton cite à ce sujet un acte découvert dans les archives de l'abbaye de Pornic, où se trouve cette phrase : "A monsor Pierre Moysan; prestre Personne du Clion."
La commune de Sainte-Marie, dont nous avons signalé l'origine dans notre article Pornic, s'étend sur le bord de la mer, un peu à l'ouest de la ville ; elle est fertile en grains, mais coupée de landes.
La côte offre, comme toutes celles du voisinage, le schiste micacé ferrugineux, avec filons de quartz. Les rochers de cette côte sont très-escarpés, et la mer s'y brise avec force lorsque les vents soufflent de l'ouest ou du sud-ouest.
Saint-Michel, commune située au nord du canton de Pornic, est presque exclusivement peuplée de marins; aussi les terres cultivées y sont-elles peu nombreuses et les landes dominantes.
Nous voici parvenus sur la commune de La Plaine, formant la pointe dite de Saint-Gildas à l'extrémité ouest de la Bretagne, de la France, du continent européen.
Le territoire de cette commune est plat, bien cultivé et coupé de quelques vignobles, dont le produit est peu estimé. Au bas d'un des rochers schisteux qui bordent cette plage et à deux pieds au-dessus du sol, se trouve une source d'eau minérale salino-ferrugineuse.
Cette source est très-fréquentée, parce que les médecins la recommandent dans plusieurs maladies. On prend aussi des bains de mer à La Plaine, mais d'une manière moins commode qu'à Pornic.
Les Moutiers, commune qui s'étend sur le bord de la mer, présente dans les terres un sol assez fertile en froment et en seigle. L'église du bourg est remarquable en ce sens que la nef représente la carène d'un vaisseau renversé.
Le village de la Bernerie, dépendant de celle commune, est situé sur une côte que les eaux de la mer rongent sans cesse.
Les habitants de ce village doivent se retirer dans les terres, et quelques-uns montrent à mer basse le toit de leurs pères.
L'industrie du pays est particulièrement la pêche du poisson et des huîtres : on compte à la Bernerie environ vingt bateaux appelés Chattes, destinés à cette pêche, dont le produit est porté à Nantes, à Paimboeuf et dans quelques autres villes circonvoisines.
Il existe près de la Bernerie une source d'eau minérale ferrugineuse ; quelques baigneurs fréquentent cette côte plus isolée que Pornic.
On remarque dans le village plusieurs maisons bourgeoises : elles appartiennent à des capitaines au long cours retirés, mais qui n'ont pu s'éloigner de la mer, élément essentiel de leur existence, et dont le bruit incessant est pour eux la plus douce harmonie.